Quels sont les limites et bénéfices du droit d’expression des salariés ?

Les salariés ont un droit d’expression légitime et fondamental. Ce droit d’expression a-t-il des limites ? Quels bénéfices peut-on en retirer en matière de Qualité de Vie au Travail ?

Peut-on tout dire à tout le monde ?

feedback-2044700_960_720

Entre collaborateurs

 

A l’image de la liberté d’expression, ce droit a une limite : celle de ne pas nuire à autrui.

Ainsi les propos tels que critiques malveillantes, injures, dénigrement, diffamation, indiscrétion ou divulgation d’informations confidentielles relèvent de l’abus de droit.

 

Les propos doivent notamment respecter la dignité d’autrui, sous peine d’être qualifiés d’harcèlement moral. Comme nous le verrons plus en détail dans un prochain article, le terme « agissements » énoncé dans cette loi englobe les propos prononcés à l’égard d’un collaborateur.

Le harcèlement moral peut ainsi être purement verbal. Il est donc primordial de limiter et sanctionner de tels comportements nuisibles et protéger les salariés.

 

Les propos diffamatoires (racistes, sexistes …) sont particulièrement répréhensibles. Certaines « blagues » pouvant déborder sur du harcèlement sexuel ou de la discrimination.

 

Les collaborateurs doivent également respecter la vie privée de chacun et ne pas divulguer des informations sensibles.

Envers l’employeur et la hiérarchie

 

Ces dispositions s’étendent également au respect de l’employeur : les critiques formulées à son égard ne doivent pas être indiscrètes, diffamatoires ou excessives. Ainsi, bien que le salarié ait le droit légitime de se plaindre de ses conditions de travail, ses propos sont limités et encadrés par la loi.

De plus, l’employeur peut se prémunir contre les divulgations d’informations sensibles à travers une clause de confidentialité ajoutée au contrat de travail. Cette dernière doit toutefois être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (tout comme les limites au droit d’expression mentionnées dans le règlement intérieur). Le fonctionnement interne de l’entreprise ne devant pas être divulgué au public.

 

Non seulement cela pourrait révéler des « secrets de fabrication » propres à l’entreprise, mais l’image de marque et la marque employeur pourraient être entachées par de tels propos. Cela s’étend également au secret professionnel propre à certains métiers.

 

A noter que le droit d’expression doit faire l’objet d’un accord avec les délégués syndicaux (ou à défaut avec le comité d’entreprise et les délégués du personnel). Il s’est notamment vu limité en matière de propos dénigrants les compétences de son supérieur hiérarchique.

Droit d’expression et vie privée

 

stop-vie-privee-442x3871Le doute portant sur le salarié,  l’employeur a bien souvent la charge de la preuve.

La façon dont l’employeur l’obtient a toute son importance. En effet, il n’est pas autorisé à ouvrir un document (papier ou numérique) comportant la mention « personnel » ou « privé ».

 

Se pose alors la question de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Dans quelle mesure le salarié peut octroyer un espace et un temps de travail professionnels à sa sphère privée ?

 

Qu’en est-il des propos partagés sur les réseaux sociaux ?

Il s’agit là d’un terrain glissant.  La cour de cassation ne prend pas toujours les mêmes décisions. Bien qu’elle admette le licenciement si le salarié n’a pas paramétré correctement la confidentialité de son contenu et que des personnes non concernées par la conversation y ont eu accès.

Et le droit d’expression de la hiérarchie?

 

Sujet sensible s’il en est. Le supérieur hiérarchique doit souvent marcher sur des œufs pour que ses propos ne soient pas perçus comme du harcèlement.

Il doit être particulièrement vigilant à sa façon de faire part de ses remarques à ses subordonnés. Un feedback-sandwich de qualité peut être un bon recours pour faire part des pistes d’amélioration du salarié.

Même constructive, une critique prononcée seule peut être particulièrement mal perçue. A plus forte raison si le management n’a pas pour habitude d’encourager et mentionner les réussites de ses collaborateurs.

De plus, si le supérieur hiérarchique a un retour à faire à un salarié, il doit s’adresser en priorité à ce dernier. Il ne doit pas faire part de ses opinions à d’autres collaborateurs, sous peine de voir ses propos déformés et interprétés. Ce qui peut être une source de grands malentendus !

Quels sont les bénéfices du droit d’expression ?

 

Afin de favoriser le bien-être et l’efficacité au travail, le rapport Lachmann recommande notamment de restaurer des espaces de discussion, tout en soulignant que le dialogue social est une priorité.

1852890350-meeting

L’ANI  « Qualité de Vie au Travail » du 19 juin 2013 vient renforcer ces préconisations pour favoriser le dialogue social et les espaces de discussion. Il prévoit notamment des temps d’échange avec la hiérarchie. Ce qui peut s’avérer particulièrement utile en cas de prises de décisions unilatérales. Ces échanges étant l’occasion de favoriser la Justice Organisationnelle.

 

Ce droit permet de confronter les points de vue et avancer vers un objectif commun. Il s’agit d’un bon moyen d’anticiper les problèmes, à travers des espaces de discussion. Il faut toutefois rester vigilant et ne pas en abuser : les réunions multiples ne sont pas productives et peuvent constituer une perte de sens et de temps.

Il en va de même pour les échanges informels qui s’avèrent bénéfiques et favorisent la cohésion. Ils ne doivent cependant pas avoir lieu au détriment du travail et être chronophages.

Il s’agit de parvenir à un équilibre, tout en favorisant la communication. Cela permet de voir apparaître les bienfaits de la diversité. Sans elle, le dialogue social se retrouve dégradé et embourbé dans la censure.

 

Certaines critiques constructives peuvent être bonnes à prendre. En effet, le salarié est le mieux placé pour parler de son activité et apprécier dans quelle mesure ses conditions et moyens de travail lui permettent de mener à bien ses missions.

Rappelons qu’il est bon d’interroger ses salariés à ce sujet, c’est une grande source de renseignements. Les salariés peuvent s’avérer force de propositions et trouver des solutions adaptées aux contraintes quotidiennes du terrain. De plus, cela favorise l’implication et à termes la satisfaction des salariés (si des mesures sont prises).

Bilan

 

Le droit d’expression a ses limites :

« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres »

 

Ce droit est donc encadré et doit faire l’objet d’un accord.

Il ne donne pas le droit d’offenser ses collaborateurs, son supérieur hiérarchique ou son employeur.

Certaines informations confidentielles ne sauraient être divulguées à des personnes extérieures.

La vie privée de chacun doit également être respectée, ainsi que sa dignité.

 

Nombreuses sont les limites, mais également les bienfaits de ce droit.

 

Elle permet d’anticiper et avancer ensemble vers un but commun.

La hiérarchie a tout à gagner à écouter ce que leurs collaborateurs savent du quotidien et des conditions de travail. Ils peuvent s’avérer force de propositions et proposer des solutions particulièrement adaptées et efficaces.

 

C’est pourquoi ils sont au centre de la démarche de Qualité de Vie au Travail et de prévention des Risques Psychosociaux.

Les espaces de discussion et le dialogue social doivent être favorisés pour assurer la pérennité de l’entreprise.

 

Le droit d’expression est donc un droit fondamental et légitime, présentant ses limites et ses bénéfices. Faites-en votre allié et non votre ennemi !

Yohanna Gomez

Image par Albrecht Fietz de Pixabay
Vous ne savez pas sur quels points agir en priorité ?

Notre guide gratuit et exclusif vous montre la voie !
(2 Mails par mois maximum, garantie sans spam)
L'article vous a plu ? Vous pouvez le partager !